Le dompteur du fer et la fée des casseroles

Publié le 22 Mai 2009

Il forge, elle décore. Il jardine, elle cuisine. Ils ont  lâché leur vie d'avant, des emplois bien payés  et des responsabilités dans l'aviation civile. Depuis huit ans, Christian et Dany Fabry marient leurs talents d’artisans d’art de l’accueil dans leur demeure champêtre du Haut-Anjou.
 
« La maison, on a eu l'impression qu'elle nous attendait » explique Dany à propos du Rideau Miné, haute bâtisse XVIIe en pierre de Thorigné-sur-Anjou, qu'ils acquièrent en 2000.  Pas à pas, ils construisent leur projet tels deux oiseaux laborieux qui, brindille après brindille, façonnent leur nid. Trois ans plus tard, après une restauration attentive et respectueuse du bâti d'origine, ils ouvrent deux chambres d'hôtes au premier étage.  « Prairie », aux tonalités vert mousse, précède la seconde,« Rivière », une suite construite grâce à une extension de 40 m2 réalisée dans le respect du bâti ancien. De ses larges fenêtres, qui donnent sur un bras de Mayenne, les hôtes observent une presque-île sauvage cerclée de verdure, parsemée d'iris d'eau et peuplée d'arbres. « On est vraiment pas tous seuls ici. » souligne Dany. Les berges de la rivière sont habitées de lièvres, de hérons, de nichées de canards et de hulottes.  Récemment, un hôte a même aperçu trois biches dans la propriété. La dernière chambre - « Camille » du nom de son ex-habitante la fille cadette partie en 2004 de la maison – s'ouvre sur un espace commun aux trois « nids » touristiques. Ce palier accueille le piano blanc de la famille musicienne côté  femmes. Aujourd'hui, les notes romantiques de la bande originale du film la Leçon de Piano courent et volent à travers la maison, sortent par la fenêtre, frôlent la terrasse, entrent dans une oreille émue reposée de sa sieste dans le hamac.

Elle cuisine

De la cuisine s'échappe une odeur de petits oignons caramélisés.
« J'ai toujours adoré cuisiner. Mon rêve était d'ouvrir au départ un restaurant. Mais c'était plus de l'ordre du fantasme» raconte la fée des casseroles. Créer une table d'hôtes, pour régaler les touristes qu'elle héberge, s'avère finalement un bon moyen de faire vivre sa passion. Chaque matin, elle commence par un marché dans les villages de la région. Elle y trouve, entre autres, viandes et poissons. Christian, jardinier « pour le plaisir », ramène du potager/verger les légumes et fruits du jour. Il les cultivent sans engrais chimiques, ni pesticides. « Nous n’achetons par exemple jamais de tomates avant l'été. Nous aimons attendre que les nôtres mûrissent » commente le couple. Leur collection s’étend des tomates ananas, idéales pour un décor d’assiettes, aux noires de Crimée, en passant par les cornues des Andes, allongées comme des poivrons rouges et les green-zébra, belles vertes. « Je cuisine à l’inspiration. Je refais très rarement deux fois la même recette » assure Dany.

Il forge
Du gris du ciel jaillissent soudain les gerbes de feu venues de l’outil de Christian. Il a sorti son chaudron dans la cour pour initier son hôte apprentie du week-end. Maître chaudronnier, ancien ouvrier doué, Christian a eu beau se former et changer de métier pour progresser dans sa carrière, l’appel du fer est resté plus fort que tout. Il y revient pour les loisirs quand ses enfants quittent la maison. De dompteur de métal, il devient dresseur de tiges de fer. « Quand j’arrive à prendre quelques heure à mon activité d’accueil épuisante pour passer du temps dans mon atelier, j’ai l’impression de me reconstruire. » explique le forgeron autodidacte. Les touristes profitent aujourd’hui de tous ses meubles et objets, du lutrin aux pieds de tables en volutes, offerts à des amis puis dupliqués pour le Rideau Miné. Rien n'arrête la puissance du fer à souder de Christian, pas même le défi d’organiser chaque année depuis trois ans un stage d'initiation individuelle à la ferronnerie d'art. Dès le samedi soir, le pied de lampe se forme au prix d’une grande précision. En attendant, la barque ventrue qui repose à l'envers près de la rivière, observe, impatiente, ces drôles de chevaliers qui n'ont d'yeux que pour le marteau et l'enclume. Honoreront-ils leur promesse de balade au fil de l'eau demain dimanche ?
Photos:  Laurent Fabry

article paru dans le n°83 de la revue de la fédération nationale des Gîtes de France, rubrique "Terre de coeur".

Rédigé par Marie Remande

Publié dans #portrait

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